Suspension d’un arrêté interruptif de travaux : les prescriptions de l’ABF doivent être précises !

Nouvelle victoire en référé pour le cabinet. Une ordonnance intéressante rendue par le Tribunal administratif de Lille en matière d’urbanisme.

Par un arrêté du 28 mai 2024, le Maire de la Commune concernée a délivré à une association un permis de construire comprenant plusieurs prescriptions de l’Architecte des bâtiments de France. L’une d’elles indiquait que l’extension devait être « distante » de la construction principale.

Par un arrêté du 28 août 2024, le Maire agissant au nom de l’Etat, a mis en demeure l’Association d’interrompre les travaux entrepris à la suite de la délivrance de ce permis. La Commune affirmait que le pétitionnaire aurait dû comprendre, à la lecture de la prescription de l’ABF, qu’une distance d’au moins deux ou trois mètres devait être respectée entre les deux constructions.

Le cabinet a demandé au juge des référés la suspension de cette dernière décision et a obtenu gain de cause, plaidant notamment l’erreur de droit sur ce fondement :

« Si le maire, agissant au nom de l’Etat en sa qualité d’auxiliaire de l’autorité judiciaire, peut, en vertu des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, interrompre les travaux pour lesquels a été relevée, par procès-verbal (…), une infraction mentionnée à l’article L. 480-4 de ce code, résultant soit de l’exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code de l’urbanisme, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées, il ne peut légalement prendre un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision et ce même s’il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d’urbanisme et notamment le document local d’urbanisme ».

Le Juge des référés a estimé que la Commune ne pouvait imposer une distance définie à l’Association alors que la prescription de l’ABF ne précisait pas l’importance de la distance à respecter entre les deux bâtiments :

« Le permis délivré le 28 mai 2024 prescrivait que « l’extension doit être distante de l’immeuble existant simplement reliée par la circulation nécessaire pour ne pas nuire à la présentation de l’immeuble existant ». Le dossier de demande présentait le projet comme la construction d’une extension sur deux niveaux, « accolée au pignon de la construction existante ». Il résulte également des plans du dossier de demande que l’extension était prévue de manière autonome par rapport au bâtiment existant, ayant ses propres murs porteurs distincts de ce bâtiment. Pour justifier du respect de la prescription, l’architecte a indiqué que l’extension est « désolidarisée et décollée de la façade et repose sur un système constructif complétement indépendant ». Les photographies produites démontrent en effet qu’une distance, certes réduite, sépare les deux bâtiments. L’association soutient que toute autre modalité de respect de la prescription, tel un déplacement de l’extension aurait nécessité la présentation d’un nouveau projet alors que la prescription ne précisait pas l’importance de la distance entre les deux bâtiments. Au surplus elle allègue qu’un tel déplacement n’aurait pas permis de respecter les règles d’urbanisme en vigueur. Il n’est donc pas établi en l’état de l’instruction que la prescription ne soit pas respectée. »

(TA Lille, ord, 14 janvier 2025, n°2411238).

A noter : lorsque le Maire prend un arrêté au nom de l’Etat, la Commune n’est qu’observatrice à l’instance et le Préfet doit être mis en cause en tant que défendeur. Les conclusions fondées sur l’article L. 761-1 du CJA doivent être dirigées envers l’Etat.