Suspension d’une sanction d’exclusion d’un étudiant par le Juge judiciaire pour trouble manifestement illicite

Par une ordonnance particulièrement motivée, le Tribunal judiciaire de Lille a suspendu les effets d’une sanction d’exclusion d’un semestre, prise à l’encontre d’un étudiant par un établissement d’enseignement privé. Une belle victoire pour le Cabinet lorsqu’on connaît la jurisprudence des tribunaux judiciaires en la matière.
1. Vérifier la compétence du juge, un préalable indispensable à tout recours
En l’espèce, il avait été affirmé à l’étudiant que le Tribunal administratif était compétent, s’agissant des sanctions prises par un Établissement d’Enseignement Supérieur d’Intérêt Général (EESPIG).
Il est de jurisprudence constante que les établissements privés d’enseignement supérieur, y compris ceux qui participent à une mission de service public, ne disposent pas de prérogatives de puissance publique dans les litiges relatifs aux sanctions disciplinaires (TA Nancy, 26 juin 2025, n° 2501885 ; CAA Lyon, 7 avr. 2023, n° 22LY03521).
L’étudiant sanctionné devait donc exercer un référé à heure indiquée devant le juge judiciaire et non un référé suspension devant le juge administratif.
Or les conditions juridiques à démontrer ne sont pas les mêmes. Devant le Tribunal administratif, le requérant doit démontrer une urgence et un doute sérieux sur la légalité (L. 521-1 du Code de justice administrative). Devant le Tribunal judiciaire, il doit prouver qu’il existe un « trouble manifestement illicite » (art. 835 du Code de procédure civile).
La procédure de référé à heure indiquée est plus engageante et plus coûteuse. L’étudiant doit tout d’abord être autorisé à assigner en référé par une ordonnance du Président du TJ qui doit être pré-rédigée. L’avocat doit alors déposer au Président : une demande d’autorisation d’assigner à heure indiquée, son assignation en référé jointe, et une ordonnance du Président. S’il est autorisé par le Président, il doit ensuite faire signifier par voie d’huissier son assignation en référé dans un délai très contraint (24 heures). Le référé administratif impose simplement le dépôt d’une requête en référé et d’un recours au fond sur Télérecours, sans frais d’huissier.
Certaines conditions sont communes. Il faut dans les deux cas démontrer une urgence, et garder en tête que le juge des référés n’opère qu’un contrôle de l’évidence (un doute sur la légalité d’un côté, un trouble manifeste de l’autre).
2. Trouble manifeste caractérisé par la méconnaissance des principes généraux du droit disciplinaire et du règlement intérieur
Les PGD disciplinaires imposent que l’étudiant soit informé avec précision des griefs retenus contre lui, et qu’il puisse les contester utilement devant la commission d’instruction, puis la commission de discipline. Ces deux commissions doivent par ailleurs être régulièrement composées.
En l’espèce, le rapport d’instruction comprenait des incohérences, empêchant d’établir avec certitude la matérialité des faits reprochés à l’étudiant.
Le contrôle de la qualification juridique des faits ne relève pas, en revanche, de l’office du juge des référés.
Le Tribunal a également relevé l’existence d’un trouble manifestement illicite en raison de la disproportion de la sanction. Les faits concernaient un vol de boissons de « très faible valeur » par un étudiant sans antécédent disciplinaire. Une sanction d’exclusion temporaire, imposant un redoublement, est apparue comme disproportionnée.
3. Suspension de la sanction et réintégration
Le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Lille a :
- Suspendu immédiatement les effets de la décision disciplinaire
- Ordonné la réintégration de l’étudiant dans son cursus
- Assorti cette injonction d’une astreinte de 120€ par jour de retard
- Condamné l’établissement aux dépens et à 1 500€ de frais irrépétibles
Cette victoire démontre qu’un accompagnement juridique par un avocat en droit de l’éducation et en droit disciplinaire permet de :
- Identifier les vices de procédure
- Constituer un dossier solide
- Agir dans les délais appropriés
- Obtenir des mesures d’urgence efficaces
La protection des droits des étudiants passe par un contrôle rigoureux du respect des procédures et de la proportionnalité des sanctions.
(TJ de Lille, réf., 16 septembre 2025, N° RG 2501325).
Me Nina Potier exerce au barreau de Lille et intervient régulièrement en droit de l’éducation et dans les contentieux disciplinaires. Pour toute consultation, n’hésitez pas à prendre contact avec le cabinet.